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10. Rien ne dure !Kamilia :Nous sommes restés dix-huit ans chez le baron. Puis sa mère est décédée et tout a changé. L'héritage a tout bouleversé. Les filles ont eu les terres, et le fils a hérité du bois et du château. Il s'est séparé de beaucoup de gens : le jardinier, des ouvriers forestiers, et nous. Après le partage, il ne restait pas grand-chose. Il n'avait plus besoin de nous. Il devait réduire ses charges. Il nous a licenciés. Nous nous sommes donc retrouvés en chômage, soi-disant au chômage ! Nous n'avons reçu aucune indemnité, aucun revenu pendant des mois. Nous étions sans rien. Le chômage ne nous a pas payé, parce que le baron n'était soit- disant pas en règle. Il nous aurait mal déclarés. Nous étions considérés comme « gens de maison ». A l'époque, il y avait une faille dans la législation. Nous n'avions pas droit au chômage. Nous avions un bon ami, ici au village voisin : un noble, ancien colonial, pas très riche, mais un chic type. Il avait entendu, je ne sais pas par qui, pas par nous, que nous étions là sans rien, ni salaire, ni chômage. Il nous a donné cinq mille francs, comme ça, en cadeau. A l'époque, c'était déjà une somme ! C'était très gentil de sa part. Nous avons végété un peu avec ça. Après, tout à fait par hasard, le propriétaire de la compagnie touristique a entendu, lui aussi, que nous étions sans travail. Il lui fallait justement un couple pour la citadelle. Il avait des magasins et beaucoup de touristes ! Il avait des guides, Il lui fallait un chef pour les guides. Il fallait veiller à ce que, toutes les dix minutes, un guide parte avec un groupe de touristes. Il fallait contrôler les tickets. Mon mari devait faire cela : surveiller les guides et vérifier les tickets et moi, j'étais gérante des trois magasins. Il y avait beaucoup de souvenirs et de bibelots et une buvette où l'on vendait de la bière et toutes sortes de boissons. Je ne m'imaginais pas à quel point la citadelle était une telle mine d'or ! Il y avait aussi les excursions scolaires, tant d'enfants qui achetaient ! Sur dix minutes de temps, jusqu'au départ de la visite suivante, il fallait servir tout le monde. Si un enfant criait qu'il voulait quelque chose, tous les autres voulaient la même chose. Il fallait suivre à les servir, à rendre la monnaie. C'était tout le temps des coups de feu, c'était terrible. J'avais la chance de pouvoir parler dans toutes les langues. Cela m'a bien aidée. Mais tout n'était pas rose. Un concierge habitait à la citadelle. C'est lui qui reprenait la gestion des touristes en notre absence, en automne et tout l'hiver. C'est qu'il y a des touristes même en hiver, là-bas, c'est incroyable ! Il y avait des lunettes pour admirer le paysage. A l'époque, il fallait y mettre cinq francs. Il y avait la bascule, des machines automatiques, un distributeur de chiclettes. C'était chaque fois cinq francs, mais quand le concierge s'en occupait, elles rapportaient peu. Pour que la recette n'augmente pas systématiquement pendant notre service, il mettait régulièrement les machines en panne, sans quoi le patron aurait eu vite fait de comparer les chiffres Tous les matins, la première chose que mon mari faisait, c'était de réparer tous les appareils automatiques. C'était un nid de guêpes à la citadelle, des guêpes furieuses contre nous parce que nous rendions le dernier centime au propriétaire. Viktor :Je me suis rendu compte que les appareils moins employés rapportaient plus que ceux qui étaient constamment utilisés. Ce n'était pas normal. Petit à petit, j'ai compris que les pannes étaient provoquées et qu'il y avait de la triche. Mais nous avions un autre soucis : Nous devions quitter l'égrisoir ! Heureusement, d'autres nobles, des amis, nous ont proposé cette petite maison du Forbot pour une location raisonnable. Kamilia :Ce travail à la citadelle nous convenait bien. Il nous permettait d'utiliser plus nos aptitudes. Dommage que nous l'ayons eu si tard, si près de la pension ! Si nous avions pu avoir plus tôt ce genre de poste, notre situation aurait été meilleure. Quand nous sommes arrivés en Belgique, nous avons cherché un emploi qui nous fournirait un logement. Nous n'imaginions pas qu'il était possible d'en louer un. Nous ne connaissions pas ça. Tout ce que nous savions, c'est que nous n'avions pas de quoi acheter. Il nous fallait donc travailler pour nous loger. Nous attendions d'un patron qu'il nous fournisse gîte et couvert, comme nous l'avions vu faire chez nous : Nos parents subvenaient aux besoins de leurs employés. En dehors du communisme, c'était le seul système que nous connaissions. Dans tous les cas, c'était le seul qui nous paraissait convenable. Mon mari aimait travailler dans le bois, même si c'était parfois très rude. Il aimait être garde-chasse, même si le baron lui demandait aussi du travail d'ouvrier forestier. Nous n'imaginions pas faire pouvoir faire autre chose. J'ai essayé pendant des années de trouver à nous placer un peu mieux. Même le baron nous a bien aidés dans notre recherche, mais rien, rien ne nous a jamais été proposé. Nos origines nobles rebutaient sans doute les employeurs qui n'imaginaient sans doute pas possible de donner des ordres à d'autres nobles. Nous n'avons pas pensé à chercher en dehors de la noblesse. Nous sommes pauvres, mais libres. Libres de lire, de parler. Nous n'avons plus peur de penser. La pensée est haïe des soviets. Ils la traquent, en guettent le moindre jaillissement et l'étouffent en s'acharnant Kamilia :En 89, nous avons vu à la télévision l'étrange spectacle de l'effondrement du communisme. C'en était fini de nos ennemis ! Le pays est très pauvre. Nos biens ne nous ont pas été restitués, malgré les nombreuses démarches de mon fils. Il est allé plaider notre cause à Strasbourg, mais nous avons perdu. Cela lui a coûté beaucoup d'argent. Nous vivons de notre petite pension, le minimum vital. Nous ne sommes même pas propriétaires de la petite maison que nous habitons au Forbot du village. Mais le plus important, c'est d'avoir la liberté et du pain. Nous jouissons des deux. Les enfants ont fait des études. Ils ont une bonne situation. L'avenir appartient maintenant à nos petits enfants. Ils le préparent à l'université. L'aîné va obtenir son diplôme d'ici quelques semaines. Il compte chercher un travail en Hongrie. |
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Mémoire
de Microscope, Dix Paroles pour une Vie paisible, Ceux du Forbot :
Trois e-books à
télécharger
gratuitement ou à lire en ligne en
toute légalité.
- Copyright : Christine
Longrée
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Dinant (Belgique)
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