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Mémoire de microscope

Les dix paroles du fond du passé, Dix Commandements pour une Vie paisible
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"TOUT VA BIEN"

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Ce matin, le chef blond s'est entretenu très longtemps avec le directeur. Ils ont examiné les résultats financiers des trois premiers trimestres de l'année. Les chiffres sont éloquents : Les bénéfices ne cessent de croître, et cela, malgré les restrictions budgétaires imposées aux laboratoires de biologie clinique par le ministère de la santé publique.

Rayonnant de bonheur, le jeune loup exprime sa satisfaction à l'équipe rassemblée. Le personnel est fier. En guise de récompense, il va équiper le laboratoire d'un système de connexion des machines à l'ordinateur. Finies les longues et ennuyeuses transcriptions de résultats ! Il ne sera désormais plus nécessaire d'introduire à chaque appareil les demandes relatives à chacun des patients. Les secrétaires continueront cet exercice à leur clavier et les données seront réparties automatiquement vers les appareils de la chimie. Les résultats seront ensuite enregistrés par l'ordinateur en temps réel.

Certains clignements de sourcils indiquent une crainte naissante au sein de l'équipe laborieuse. Jean rougit. Pointées vers un embarras évident, ses oreilles se décollent de plus en plus. Des regards furtifs circulent de l'un à l'autre. Joséphine a bien compris ce qui les inquiète, mais elle ne formulera pas la question commune. Elle se réserve pour une intervention ultérieure d'intérêt personnel. Son regard croise celui de Jean qui devient écarlate. Il comprend qu'elle veut qu'il intervienne. Ses paupières papillonnent. Il prend son souffle. Le regard de sa collègue est insistant. Il se lance à toute volée :

- C'est bien, mais à condition qu'il n'y ait pas de licenciement !

Tous les yeux grands ouverts se sont arrêtés en point d'interrogation. Ils fixent maintenant la bouche qui va prononcer le verdict. Le juge est souriant, avenant. C'est bon signe. Il s'exclame :

- Mais bien sûr, le volume de l'emploi sera maintenu à son niveau actuel ! Nous allons élargir encore notre clientèle pour compenser.

Ouf ! Une ondulation de sourires frissonne d'un visage à l'autre. Quelques joues rosissent d'aise, de contentement, de fierté...

Joséphine prend un air enjoué pour lancer l'offensive qu'elle prépare depuis un moment. Elle se frotte les mains en signe de satisfaction et demande :

- En compensation du fait que je n'ai malheureusement pas de machine à connecter, j'espère que vous allez m'octroyer quelqu'un quelques heures par jour pour nous aider, Irénée et moi ?

Le chef, souriant en cette journée de béatitude, répond avec une étincelle de malice dans le regard :

- J'y suis tout disposé, mais qui voudra travailler avec vous ?

Sans laisser à personne le temps d'une plaisanterie, Françoise Marquis intervient vivement :

- Moi ! J'ai toujours aimé travailler en bactério.

Le chef insiste, tout autant en sourire qu'en malice :

- Ne craignez-vous pas son caractère vif ?

D'un signe de tête, il désigne Joséphine, mais Françoise répond avec un sérieux convaincant :

- Pas du tout !

- Fort bien ! Puisque vous le voulez, vous travaillerez avec elle. Vous l'aurez voulu, ne venez vous plaindre par la suite ! Je resterai sourd.

Tous rient en cœur avec le tout puissant. Tous, enfin presque tous, car les filles de la bactério, ne trouvent pas là de quoi rire ! Françoise et Joséphine ont échangé un sourire complice. Irénée, quant à elle, n'a pas encore les idées très claires. Elle se demande si Françoise va vraiment travailler en bactério. Tout cela a été tellement vite ! Et puis, le chef n'avait pas l'air très sérieux.

Joséphine saisit doucement sa collègue par le bras et l'entraîne vers l'antre sacré, le beau local blanc et tiède, le royaume des microbes. Elle lui explique :

- Bien sûr, Françoise et moi, nous nous étions mises d'accord avant la réunion. Il y a longtemps qu'elle a envie de travailler en bactério. Elle n'aime pas les machines. Pour ma part, j'estime qu'elle est de loin la chimiste la plus apte à faire pousser les microbes.

Les yeux noisette d'Irénée étincellent de joie : Tout va aller pour le mieux dans le beau local devenu sien.

Encore un peu incrédule, elle demande :

- Comment saviez-vous que le chef allait laisser venir quelqu'un ?

- C'est la journée des chiffres. Avec tout le travail qu'il y a dans tous les secteurs, il ne pouvait être question que de bénéfices et de très gros bénéfices en bactério plus particulièrement. Si le chef refuse de voir le travail sur la table, il ne peut nier les chiffres de facturation. Dans notre secteur, tout est manuel. L'emploi doit donc être proportionnel à la facturation. Ils le savent.

Encore un tout petit peu incrédule, elle insiste :

- Mais alors, puisque vous étiez d'accord, Françoise et toi, pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?

- Parce que tu ne sais pas tenir ta langue et que le chef contrarie systématiquement mes projets.

Irénée se mordille les lèvres. Chez elle, c'est un signe de contrariété. Elle se garde néanmoins de contester le jugement infaillible de son maître. C'est une femme docile. Elle aime l'homme fort et la collègue autoritaire. Enfin, c'est à dire qu'elle ne sait pas elle-même si c'est vraiment ce qu'elle préfère, mais c'est sa référence. Elle est habituée à la docilité. La contestation la déstabilise.

Dans l'après-midi, Coupdevent a pris son temps pour discuter l'horaire de Françoise avec Joséphine. Le chef est perturbé, car Françoise travaille à temps partiel. Bon, elle n'assumera plus de garde. Mais certains jours, elle ne travaille pas. On ne peut tout de même pas lui changer son horaire... Pourtant, ce dernier ne se prête pas au travail journalier de la bactério.

Le chef ne sait pas que les deux complices ont déjà tout organisé : L'intéressée est d'accord de travailler cinq heures tous les jours, sauf le mercredi. Ce jour-là, elle préfère terminer à midi, à cause des enfants. Tout est pour le mieux : Le fonctionnement du service est optimalisé et la vie familiale de Françoise préservée. Comment expliquer cela au chef ?

Il sent un peu la cabale montée par les deux coquines, mais trop content que le problème soit réglé, il abdique pour se lancer dans un domaine qu'il maîtrise parfaitement : l'informatique. La conversation se prolonge, plaisante et constructive. Mais ne voilà-t-il pas qu'il a imaginé de céder aux informaticiens en ce qui concerne la réponse des antibiogrammes.

Joséphine s'emporte :

- Pas question ! Notre projet est parfait. Ce ne sont que des paresseux incapables !

Elle ajoute pour le convaincre :

- Il s'agit de votre œuvre, vous n'allez pas les laisser l'abîmer !

- Elle est impossible à réaliser.

Il explique les arguments des professionnels. Méfiante, elle l'écoute cependant attentivement. Elle réfléchit un moment, puis lui dit :

- Il faut placer tous les antibiotiques sur une seule et même grille, comme vous l'aviez suggéré la dernière fois que nous en avons parlé. On mettra les résultats en colonnes. Votre solution est la bonne...

Une heure plus tard, il sort ravi et persuadé que le projet "maison" est le meilleur d'entre tous et, sans conteste, parfaitement réalisable. On se demande si la bactériologiste et lui ne vont pas finir par s'entendre !

Françoise prendra ses nouvelles fonctions dans quatre mois, quand la connexion des appareils à l'ordinateur sera opérationnelle. En attendant, Joséphine va devoir encore effectuer des heures supplémentaires non rémunérées, car le travail afflue, toujours plus. Elle est maintenant habituée aux longues journées surchargées, à un point tel que lors des rares périodes d'accalmie, elle est désorientée de finir à l'heure.

Presque chaque soir, quand le laboratoire s'est vidé de son animation et que la garde règne seule sur les machines calmées, elle continue à manipuler avec application et méthodiquement ses microbes. Elle a appris depuis longtemps les méfaits de la précipitation. Elle prend donc son temps, le temps adéquat à l'accomplissement rigoureux de chaque geste, le temps qu'il faut à l'esprit pour régir les obscures questions de l'analyse à effectuer. Le prélèvement arrive : C'est le trou noir. Quelques jours plus tard, tout sera clair, net, précis. Quant à l'esprit, il sera encore un peu plus fatigué d'avoir toujours à penser.

 

Aujourd'hui, c'est samedi. L'horaire prévoit de liquider la bactério en une demi-journée. Joséphine travaillera autant qu'il faudra.

Fin d'après-midi, tout est en ordre. Les boîtes sont rangées, chacune à sa place, la table est désinfectée. La laborantine décide d'avancer le travail, car la semaine prochaine s'annonce chargée. Elle s'installe pour la surveillance hebdomadaire des cultures du bacille de Koch, du nom de l'éminence qui le premier à isoler cette terrible bactérie. Ce sera toujours ça de fait pour lundi.

Ce fameux germe, qu'on appelle également BK est responsable de la tuberculose. Il se développe lentement. Il lui faut en général trois semaines, parfois plus, pour que l'œil puisse en repérer les colonies. Les tubes des cultures occupent tout un étage de la grosse étuve. Ils sont rangés dans un ordre bien précis. Une fois par semaine, Joséphine les sort et les regarde attentivement un par un.

La tuberculose est devenue une maladie rare, mais elle est actuellement en recrudescence. Grâce aux progrès de la science, elle se soigne et on en guérit. Encore faut-il la détecter. Par contre, les tabous sont tenaces. Ces reliques de l'obscurantisme des temps passés font encore des ravages par ignorance ou par peur de la contagion. Avoir la tuberculose, c'est une honte !

C'est ainsi qu'une infirmière de l'hôpital a informé la gardienne de ses deux enfants qu'un autre de ses petits pensionnaires était atteint de cette pénible maladie. Cette femme a ainsi enfreint le secret médical. Pourtant l'enfant n'était pas contagieux. Il souffrait d'une mastoïdite, c'est à dire d'une infection fermée de la mâchoire. Dans ce genre d'infection, les germes ne sont pas évacués dans l'environnement. Les proches du malade ne courent donc aucun risque. Suite à l'indiscrétion de l'infirmière, le petit malade et sa famille ont vu se fermer les portes de la gardienne et bien d'autres, pourtant anciennement amies.

Le monde moderne n'est pas encore à l'abri des réactions de ségrégation des personnes atteintes de certaines maladies. La panique injustifiée face à la tuberculose peut être interprétée comme une réminiscence du passé. Par contre, l'apparition du sida provoque des réactions de rejet tout aussi indignes.

Installée devant ses tubes, Joséphine pense à toutes ces folies ou mesquineries humaines. Elle se souvient d'une conversation qui, une de fois de plus, l'avait opposée au très catholique chef.

Ce dernier préconisait des mesures rationnelles d'information et d'isolement à propos d'un cas suspect de sida. Il s'agissait d'une patiente marginale émargeant à l'aide sociale. En plus du médecin traitant, le chef voulait prévenir l'assistante sociale en charge de son dossier. Joséphine essaya de tempérer son ardeur. Il lui répondit :

- Cette maladie est contagieuse. C'est un véritable fléau.

- En prenant des mesures normales et élémentaires d'hygiène, il n'y a aucun risque. La prévention est à portée de tous. Que voulez-vous ? Qu'on tatoue les positifs ? Une fleur de Lys, comme à une certaine époque ? L'assistante sociale n'a pas à être informée du dossier médical de la patiente.

- Il faut pourtant bien prendre des mesures, pour se protéger, pour protéger la population.

- Ah oui ! En jetant sur la place le sida d'une pauvre femme, alors qu'on n'a informé personne de la leptospirose de la rivière !

- Mais enfin !

Elle le coupa tout net :

- Si vous avez peur, ne couchez pas. Cette maladie ne se transmet pas comme la grippe. De toute façon, votre religion vous interdit les écarts dangereux. Vous êtes donc à l'abri.

Il devint pourpre. Il était furieux. Joséphine rentra précipitamment dans son local. La glace figeait l'équipe pétrifiée de tant d'audace.

Joséphine ressasse tous ces manquements à l'éthique en observant attentivement ses tubes. Du fait de la rareté de la tuberculose, beaucoup de culture sont négatives, ce qui rend l'examen monotone. Voici déjà cinquante cultures d'examinées. Passons au portoir suivant. Continuons. Toujours négatif. Continuons. Nous arrivons maintenant à ceux qui sont en incubation depuis trois semaines. Continuons. Négatif. Négatif... Puis, surprise... Deux petites colonies à peine naissantes apparaissent sur la gélose très spéciale, le Coletsos, du nom de celui qui l'a mise au point. La bactériologiste est chaque fois émerveillée, comme hypnotisée par cette bactérie qui a fait tant de ravages pendant la période de transhumance vers l'industrialisation. Malgré le bon sens qui règne habituellement dans ce laboratoire, Zola voudrait y entrer, mais il est très vite chassé. Joséphine ne se permet pas de fantaisie : une recherche positive ne représente plus le tableau tragique d'un poitrinaire à l'agonie.

Deux belles petites colonies jaune pâle, très rugueuses, granuleuses sont bel et bien là, incontestablement présentes sur le milieu vert malachite. Il va falloir préparer une coloration. Mais tout d'abord, continuons la surveillance de la série et rangeons tout cela. Joséphine dépose le tube positif sur la table, là à sa gauche, à l'endroit réservé aux boîtes qui ont encore des secrets à livrer. Puis elle continue l'observation des tubes. Il y quelques cultures contaminées qui ne pourront pas être menées à terme. Cela arrive. Les médecins vont en être informés. Les tubes devenus inutiles sont retirés. Ils finiront à l'incinérateur.

Satisfaite, la laborantine range les portoirs dans l'étuve, chacun bien à sa place, le premier à gauche, au fond. Elle s'occupe ensuite du tube positif. D'abord, avant tout risque de contamination, elle ensemence un nouveau tube de la souche, pour la conserver. Ensuite, elle émulsionne un peu de germe dans de l'eau physiologique sur une lame. Pendant que cette dernière sèche, elle s'informe du cas. Il s'agit d'un certain monsieur Botte. L'origine du prélèvement n'est pas habituelle pour ce genre de germe. Il s'agit d'une plaie cutanée, du jamais vu ! Joséphine vérifie l'identification de la culture. C'est bien cela : René Botte, une plaie à la jambe. Elle n'a jamais entendu parler de ce patient.

C'est samedi. Le laboratoire est presque vide. A cette heure-ci, il n'y a plus que la garde qui assume les urgences. Joséphine va la questionner en chimie, devant la nouvelle machine :

- As-tu déjà entendu parler d'un certain Botte ?

- Bien sûr ! Ce gars est entré, il y a un peu plus de trois semaines. Tu aurais dû le voir ! Terrible ! Tout gonflé de partout. Quand on lui faisait une prise de sang, un liquide transparent, comme de l'eau coulait à côté de l'aiguille. Le malheureux, énorme, avait le visage boursouflé, hideux. En ce qui concerne sa biologie, les protéines étaient très basses, du jamais vu, et les ions, très perturbés. Maintenant, les résultats sont revenus à la normale. Il paraît qu'il va beaucoup mieux. Personnellement, je ne l'ai plus revu. Pourquoi, tu as quelque chose pour lui ?

- Une suspicion de BK.

- Pourtant, il ne tousse pas.

- il ne s'agit pas d'expectorations, mais d'un frottis de plaie. L'analyse a été demandée par le chirurgien. A-t-il été opéré ?

- Je crois qu'il est passé par la salle d'op pour nettoyer une plaie, effectivement. Mais c'est Gendron qui le soigne, en médecine interne.

- Aï-ya-yaïe ! ça promet.

- Il sera peut-être content que tu lui as trouvé quelque chose, car je crois qu'il est n'est pas très loin dans son diagnostic.

- Ce n'est pas lui qui avait ordonné l'analyse. La demande a été rédigée par le chirurgien...

- On va encore s'amuser !

- Je vais colorer la lame. Si la présomption se confirme, ce qui est fort probable au vu des colonies, il faudra bien que je le prévienne. Est-il à l'hôpital en ce moment ?

- Oui, il est de garde.

Joséphine retourne en bactério. Pendant que la lame trempe dans des colorants spéciaux, spécifiques au BK, elle consulte ses livres. Elle ne trouve rien sur d'éventuelles tuberculoses de la peau, même pas dans le gros traité en deux volumes du chef. Elle se souvient tout à coup d'un vieux manuel de dermatologie appartenant à Popol. Il est rangé dans une caisse au fond de la réserve. Il date de 1909. "Tant pis, se dit-elle, voyons ce qu'il contient.

Les livres de dermatologie sont toujours illustrés. La laborantine n'aime pas les consulter, ça lui donne des frissons. Cette vieille relique contient des images encore plus atroces que les livres modernes. Pas question de le feuilleter. Heureusement la table des matières est vierge d'illustration. Surprise et… satisfaction : un long chapitre est consacré aux différentes formes de tuberculoses cutanées !

La lame est maintenant sortie du dernier bain. Elle sèche sur le papier "Joseph". Pendant ce temps, la technicienne lit méthodiquement la littérature presque centenaire. La voici maintenant devant un titre évocateur : "Lupus Eléphantiasis". Plus elle lit, plus elle constate la ressemblance entre ce qui est décrit dans le livre et le cas Botte tel qu'il lui a été expliqué par la garde. Cela est saisissant. Elle va montrer le vieux texte à sa collègue. Pendant que la chimiste lit. Elle regarde la lame au microscope. Les bacilles qu'elle y voit sont de très beaux acido-résistants dont la morphologie est tout à fait compatible avec celle du BK.

La garde arrive avec le vieux traité de dermatologie :

- C'est surprenant : identiquement la même chose que Botte !

- Regarde ici.

Joséphine lui cède la place au microscope.

- Ils sont beaux. Tu vas prévenir Gendron aujourd'hui ?

- Bien sûr. Je vais profiter de l'absence des biologistes pour m'offrir, pour une fois, le luxe d'aller dans le service l'informer de vive voix et avoir ainsi le plaisir de voir la tête qu'il fera.

- Il voudra peut-être regarder la lame.

- Je la laisse au microscope. Il peut venir.

- Tu vas lui montrer le livre ?

- S'il demande des explications, pourquoi pas ? Il est vieux, mais tout ce qui y est décrit correspond parfaitement au cas.

Le Docteur Gendron se promène d'un air satisfait dans le couloir de son service. Il semble surveiller au de-là des portes closes les lits paisibles qu'il a en charge. Le fluide émanant du cerveau savant doit certainement aider les corps couchés à vaincre leur maladie, avec l'aide des drogues prescrites, bien entendu.

Joséphine hésite à troubler la tranquille méditation du grand homme. Il faut pourtant bien se décider :

- Bonjour Docteur.

Il a un moment de surprise, puis sourit :

- Vous voulez me voir ?

- Vous parler d'un résultat de BK.

- Ah ! Vous avez un BK positif ?

- Une présomption pour votre patient Botte.

D'étonnement, il recule et s'exclame :

- Ce n'est pas possible ! Il ne tousse pas.

- Il ne s'agit pas d'expectorations. Le germe se développe à partir d'un frottis de plaie.

- Je n'ai jamais demandé cet examen. Vous devez vous tromper de patient. Je n'ai pas de tuberculeux dans mon service en ce moment.

- L'analyse a été ordonnée par le chirurgien.

Il se ravise :

- Effectivement, le patient est passé par la salle d'op pour un ulcère qu'il fallait nettoyer.

- Il a un ulcère ?

- Oui, à la cuisse.

- C'est ça, la demande d'analyse parle dune plaie à la cuisse. Si vous voulez voir la lame, elle est à votre disposition au microscope.

- Je veux bien vous suivre, mais vous ne me convaincrez pas. Il s'agit certainement d'une contamination.

Le docteur Gendron est maintenant installé au microscope de Joséphine. Il regarde les belles images brillantes de bacilles oranges, légèrement incurvés, disposés en torsades, les fameuses "cordes" typiques.

Il ne paraît pas convaincu :

- Il s'agit peut-être d'une contamination ?

Son air est plus affirmatif qu'interrogatif. Joséphine lui montre le livre ouvert. Elle lui en explique sommairement le contenu. Il tourne les yeux vers la relique des temps passés, mais, dédaigneux, il ne penche même pas la tête pour lire le titre ou regarder les images. Par contre, il dit :

- La plaie ne correspond pas à une lésion tuberculeuse. Êtes-vous certaine qu'il s'agisse d'un BK ?

- ça y ressemble fort. La souche va être envoyée dans un laboratoire spécialisé, comme d'habitude, pour une identification rigoureuse et un antibiogramme spécifique. Il faudra au moins trois semaines avant d'avoir les résultats.

- Nous attendrons. Pour ma part, Je ne pense pas que soyons en face d'un bacille de Koch.

- Comme vous voudrez ! Pour ma part, je pense qu'il serait intéressant d'effectuer des frottis de contrôle.

Ses convictions inchangées, le docteur Gendron quitte le laboratoire, laissant Joséphine déçue d'une pareille incrédulité. Il ne demandera probablement pas les contrôles.

 

Le lundi matin, la technicienne arrive de bonne heure. Le chef est déjà là. Elle lui conte les événements de samedi. Il la regarde avec des yeux vides d'avis. Lui non plus ne consulte pas le vieux livre de dermatologie. Il conclut de la même façon que Gendron :

- Attendons l'identification.

Par contre, le pharmacien s'intéresse au cas. Malheureusement, comme toujours, ses questions énervent Joséphine :

- Etes-vous certaine qu'il n'y a pas eu inversion avec les tubes d'un autre patient ?

- Non, Monsieur, je n'en suis pas absolument certaine. Tout est fait pour que cela n'arrive pas, mais une erreur est toujours possible. Vous le savez aussi bien que moi. Mais j'estime qu'il faut prendre le résultat en considération et impérativement prélever des frottis de contrôle.

- L'avez-vous suggéré au docteur Gendron ?

- Bien sûr, mais il ne nous en enverra pas, car il est persuadé que son patient n'est pas atteint de tuberculose. Vous devriez peut-être lui suggérer…

- Le docteur Gendron sait ce qu'il doit faire. Nous n'avons pas à nous immiscer dans ses décisions.

Joséphine hausse les épaules et s'en va.

Un peu plus tard, elle répète son histoire à Fifi. Cette dernière se donne la peine d'examiner la lame au microscope. Elle lit avec intérêt la littérature de 1909 et prend ainsi contact avec la notion de lupus éléphantiasis dont elle n'exclut pas la possibilité qu'il soit le mal dont souffre Botte. Elle se décide à aller affronter le docteur Gendron. Décidément, la biologiste bonifie en vieillissant.

Malheureusement, elle reviendra bredouille de son entretien et expliquera :

- Le patient est sous cortisone depuis cinq ans. Le docteur Gendron pense que ses problèmes sont dus à ce traitement prolongé.

- De la cortisone depuis cinq ans ! Quelle bêtise !

- C'est un fait que cette drogue administrée depuis si longtemps peut avoir provoqué des dommages.

- Et réduire l'immunité du patient au point que n'importe quel germe peut l'infecter, même de façon insolite. Pourquoi pas un BK ?

- De plus, il était sous-alimenté. Sa femme a expliqué qu'il avait perdu l'appétit. Sur ce point-là, il a récupéré. Il a été alimenté par perfusion et se porte beaucoup mieux.

- Le docteur Gendron a probablement très bien soigné les effets de la maladie, mais en connaît-il la cause ?

- Non, si ce n'est qu'il attribue ces dérèglements à l'administration prolongée de cortisone. Au vu de l'amélioration de l'état général du patient, il a décidé d'attendre l'identification de la souche et surtout l'avis de la biologiste en chef du laboratoire spécialisé. Le colis est-il parti ?

- oui, ce matin. J'y ai joint une description du cas en insistant pour qu'ils nous téléphonent dès qu'ils seront en mesure d'émettre une opinion.

- Selon vous, combien de temps faudra-t-il attendre ?

- Environ trois semaines. Pensez-vous que le docteur Gendron va nous envoyer d'autres échantillons ?

- Non. Il prétend que cela n'est pas nécessaire.

- Que de temps perdu ! Si l'identification de la souche confirme le BK, ce qui est presque certain, il restera encore la possibilité d'une erreur de manipulation ou une contamination. C'est peu probable, mais nous devons en tenir compte. Seuls des contrôles positifs peuvent l'exclure tout à fait. Eux aussi peuvent demander trois semaines ou plus. Attendre pour les lancer, c'est perdre du temps.

- J'insisterai encore.

- Merci.

 

Joséphine sent que ce bacille de Koch doit être pris en considération. Pourtant, face aux arguments des médecins, elle se prend à douter. Et s'il s'agissait vraiment d'une contamination ou d'une inversion de tubes ? Le doute la tenaille, mais elle est décidée à ne pas négliger le résultat positif. Il faut vérifier, aller jusqu'au bout. Elle ne lâchera pas prise. Mais le doute rend la lutte avec les incrédules plus difficile, presque douloureuse. Elle insistera chaque jour pour qu'on lui envoie plusieurs échantillons de contrôle. Chaque jour, elle pensera "Et si je me trompais ?".

Dans ce cas, cette impertinente laborantine ne mériterait-elle pas une leçon ? Le chef, du haut de sa position et de ses grandes jambes, la toise déjà, l'œil vide, le regard noir. Manifestement, il attend la suite pour frapper un grand coup.

Irénée la rassure :

- Ne te tracasse pas. Tu as fait ce qui te semblait juste. Ce n'est pas de ta faute si personne ne veut t'écouter. Essaye de ne plus y penser.

- Je ne peux pas m'en empêcher. S'il s'agit réellement d'une tuberculose cutanée et si on ne le traite pas, le pauvre homme n'a aucune chance de s'en sortir. Il va mourir comme si nous étions encore au début des années 1900, avant l'ère des antibiotiques.

- Fifi dit qu'il va mieux.

- Forcément : ils ont équilibré sa biologie par des perfusions adéquates. Ils ont soigné les effets de la maladie, pas la cause. Le germe va continuer à ronger ce malheureux.

- Que peux-tu faire ?

- Tu le vois bien : rien. Plus personne ne m'écoute, même pas par politesse.

- N'y pense plus. Cela ne sert à rien. Tu ne vas tout de même pas te rendre malade.

- Tu as raison.

Notre laborantine ne néglige pas pour autant ses autres analyses. Mais décidément, le travail ne se déroule pas sans peine. Elle n'a toujours pas reçu les résultats des identifications des souches bizarres confiées au professeur X. En voici encore une qu'il faudra pourtant bien lui envoyer. Il s'agit, une fois de plus de cette espèce de pasteurella atypique. Ceci devient vraiment inquiétant. Et le chef qui persiste dans son inefficacité ! Il ne prend même pas attention à ce que Joséphine lui rapporte. Sa réponse reste invariable :

- Envoyez-la.

- Bien sûr ! Mais quand recevrons-nous le résultat ? Aucune des identifications confiées au professeur X ne nous est encore parvenue. Lui avez-vous téléphoné ?

- Oui, la semaine dernière. Les études des souches sont toujours en cours.

- Ce n'est pas possible !

Le chef hausse les épaules. Son regard froid semble dire : "ça suffit !" Puis la tête blonde se plonge à nouveau dans la lecture d'une quelconque publication, signifiant ainsi à la laborantine qu'elle doit se taire et sortir du bureau.

"A-t-il vraiment téléphoné ?" C'est la question que cette dernière se pose en retournant vers son local. Les médecins ne réclament pas les identifications des souches. Les patients sont probablement guéris depuis longtemps. Dans ces conditions, une simple technicienne peut-elle importuner un éminent professeur afin de satisfaire sa curiosité ? En tout cas, notre Joséphine n'ose pas.

 

Françoise à hâte de commencer à travailler en bactério, mais il faut attendre que soit réalisée la connexion des appareils à l'ordinateur. Pourtant, le travail est loin de manquer. Les journées sont longues et pesantes.

Aldo et Rémy n'ont pas tenu leurs promesses : leurs visites sont rares et courtes. Joséphine se languit de rire. Elle a besoin de babiller et d'aimer. Son horizon est limité à la logique implacable des analyses et à l'abrutissement d'un labeur trop exigeant. Elle étouffe de ne pouvoir partager ses petites joies et ses craintes tenaces. Bien sûr, Irénée accomplit sa tâche avec application. Le service de bactériologie a atteint un très bon niveau de qualité. Mais Joséphine traîne les jours et les jours avec leur lot de problèmes. Le temps passe. Il coule déjà depuis si longtemps ! Quand le moment de l'épanouissement viendra-t-il ? Un être humain peut-il se satisfaire des seules joies du travail ? Elle se dit qu'il va falloir qu'elle s'ouvre à autre chose. Mais d'abord, elle doit se libérer de la trop lourde tâche pour que demain soit plus léger qu'aujourd'hui. Il y a aussi Rémy dont le visage barre l'horizon d'une brume implacable et douloureuse. Les réflexions de Joséphine sont trop sombres. Elle vieillit inexorablement, coincée entre la flamme ronronnante et la porte fermée.

Botte ne se porte pas tellement bien. Il tousse et fait de la température. Gendron a fait envoyer des expectorations au laboratoire. Il ne demande même pas la recherche de BK, mais Joséphine ne se prive pas d’en réaliser une. Les examens directs sont négatifs. En ce qui concerne la culture, il faudra bien attendre les trois semaines nécessaires au développement du germe. L’analyse bactériologique de plusieurs échantillons montre une colonisation des bronches par du pyocianique. On ramasse facilement ce microbe quand on n’est pas en bonne santé. Bien entendu, il se plaît dans les hôpitaux.

Il y a quelques mois, suite à la découverte de plusieurs cas en gériatrie, Joséphine a prélevé des échantillons dans le service pour dénicher le germe. Elle en a trouvé dans les flacons de désinfectant du chariot de soins !

Plus récemment, le germe était présent dans les robinets de la salle d’op. C'est là que les chirurgiens se lavent les mains avant les interventions.

Joséphine a fait beaucoup de bruit, mais le chef du département infirmier a estimé normale une pareille contamination dans un hôpital. Il a fait référence à des publications américaines pour soutenir son argumentation. Alors…

Notre pauvre Botte n’est pas le premier à être infecté. Il ne sera certainement pas le dernier. Il n’y a pas de quoi faire une révolution : Tout cela est dans l’ordre des choses.

Par contre, le docteur Gendron est extrêmement surpris par la présence du germe dans les crachats de son protégé ! Il s’empresse autour de Joséphine :

- Je vais le traiter. Avez-vous déjà l’antibiogramme ? Est-ce sensible à l’amikacine ?

- Oui, très sensible.

- Je me demande comment il a bien pu contacter cette bactérie.

- Assurément dans votre service. Vous avez d’ailleurs assez bien de patients contaminés en ce moment.

- Il y trois cas en cours de traitement, mais tous sont passé par la salle d’op. Botte aussi.

- Cela n’a rien d’étonnant. Vous devriez peut-être vous entretenir de cette situation avec les chirurgiens, ainsi qu’avec le chef du département infirmier.

- Je ne vois pas en quoi ce problème concerne ce dernier.

- Il est un des responsables de l’hygiène hospitalière. C’est le seul, puisque les médecins ne daignent pas assister aux réunions du comité. De plus, je lui ai remis un rapport sur la situation du germe dans l’hôpital, ainsi qu’à chaque chef de service. Ne l’auriez-vous pas reçu ? Quoiqu’il en soit, personne n’a tenu compte des conclusions de mes analyses. Pourquoi me demandez-vous comment votre patient a été contaminé ? Au revoir Docteur.

" Attention Joséphine ! Tu dépasse les bornes. Il faut être polie et déférente avec les médecins. Tu n’as pas à juger de leurs actes. "

" Basta la raison ! Fous-moi la paix ! "

 

L'identification de la fameuse souche isolée à partir de la plaie de Botte est enfin rentrée. Il s'agit bien du mycobactérium tuberculosis, c'est à du bacille de Koch ou BK, le germe de la tuberculose.

D'après le docteur Gendron, la biologiste en chef du laboratoire spécialisé aurait prétendu que la tuberculose cutanée n'existe pas sous une pareille forme. Elle aurait même ajouté, toujours selon notre brillant savant, que la souche isolée devait être le fruit d'une contamination au niveau du laboratoire.

Joséphine est hors d'elle. Quant au docteur Gendron, il est de plus en plus serein. Il annonce gaiement le résultat de l'intradermo-réaction à la tuberculine : négatif !

Fifi informe Joséphine de ce verdict. Elle est douce. Elle veut ménager la malheureuse qui, par ses convictions entêtées, s'est tout de même un peu ridiculisée ces derniers temps :

- Ne soyez pas déçue, tout le monde peut se tromper. Vous avez eu raison d'insister. Il ne faut jamais négliger aucune piste.

Calme et sereine, Joséphine lui rétorque :

- Mais Madame, je ne suis pas déçue et je reste toujours déterminée à défendre la thèse de la tuberculose. Le patient n'est-il pas sous cortisone ?

- Oui, il en reçoit encore. On ne peut pas arrêter le traitement brutalement.

- Dans ce cas, le test à la tuberculine n'a aucune valeur. Il est basé sur un processus inflammatoire. Le résultat négatif n'a donc aucune signification.

Fifi se trouble. Elle rougit un peu, ouvre des grands yeux. Manifestement, elle est confuse. Elle dit avec animation :

- Mais vous avez raison ! La cortisone combat les réactions inflammatoires. Je vais immédiatement le rappeler au docteur Gendron.

Notre laborantine réclame haut et fort des frottis de contrôle. Absolument persuadé qu'elle a tort, Gendron lui fait envoyer quantité et quantité d'expectorations, mais pas d'urines et pas le moindre frottis de la plaie qui s'agrandit au fil du temps.

En une semaine, trente examens directs de crachats seront négatifs. Les cultures, bien au chaud, préparent leur verdict pour plus tard. Joséphine passe ses soirées à lire les frottis de botte. Négatif, négatif, toujours négatif.

Il se fait tard. Le laboratoire est calme. La garde prend une collation à l'office. Joséphine est installée au microscope. Elle est fatiguée : Ses yeux ressentent des picotements, ses jambes sont lourdes et son cœur pesant. Il faut qu'elle trouve à nouveau des beaux petits bacilles à la fluorescence orangée.

La porte d'entrée s'ouvre. Un pas tranquille et délicat avance dans le couloir sombre. Elle entend la voix de sa collègue :

- Bonsoir Docteur.

- Bonsoir Madame.

C'est Rémy ! Le cœur fatigué de notre laborantine lui heurte les côtes d'un bon violent. Les voix poursuivent leur conversation.

- Ce n'est pas urgent. Au revoir Madame.

- Au revoir Docteur.

Le pas tranquille repart. La porte d'entrée se referme. Joséphine est anéantie de fatigue et de déception. Pourquoi n'est-il pas venu la saluer ? L'oubliée s'efforce de continuer ses lectures, mais un brouillard s'intercale entre ses yeux et l'image. Le flou cristallin ne laisse plus passer que des reflets. La gorge serrée, la laborantine se dit qu'il est temps d'arrêter pour aujourd'hui.

 

Elle a tant insisté que, maintenant, on lui envoie chaque jour trois échantillons des urines de botte, mais toujours pas de prélèvement de la plaie. Le docteur Gendron a fait analyser les tissus atteints par l'anatomopathologiste. Cette dernière, une femme très qualifiée et expérimentée est très ferme dans ses conclusions : Il ne s'agit pas d'une lésion tuberculeuse.

Les examens des urines confirmeront cette thèse partagée par trop de monde. Joséphine s'inquiète. Elle comprend que les expectorations puissent être négatives, mais les urines ? Le vieux livre de Popol décrit des cas masculins de lésions cutanées à la cuisse, comme chez Botte, à l'endroit où le pénis peut déposer après la miction quelques gouttes d'urine contaminée. Dans ces cas-là, la tuberculose cutanée est secondaire à une infection rénale primaire. Les urines de Botte devraient donc contenir du BK.

La laborantine doute. Elle réfléchit et reprend peu à peu confiance malgré tous ces examens négatifs. Ses convictions se raffermissent. Botte n'est-il pas traité à l'amikacine ?

Il s'agit d'un antibiotique très puissant et assez récent. C'est un produit de synthèse qui appartient à la famille des aminoglucosides. On pourrait dire qu'il est l'arrière-petit-fils de la streptomycine, vieil antituberculeux. Pourquoi n'aurait-il pas une action sur le BK ? Cela expliquerait la nette amélioration de l'état du malade et l'absence de BK dans les urines. Dans ce cas, il ne faudrait surtout pas que le docteur Gendron arrête le traitement.

Joséphine s'informe : le sulfate d'amikacine a-t-il une action antituberculeuse ? Elle interroge les biologistes. Ils ne savent pas. Même le pharmacien ne peut lui répondre. Pourtant, les médicaments sont censés être de son domaine ! Joséphine consulte les livres à sa disposition, ainsi que l'imposante documentation sur l'antibiotique, mais elle n'obtient aucune réponse accréditant sa thèse. Tout le monde s’en moque. Bien plus, cette technicienne est vraiment trop impertinente !

Botte a été bien surveillé sur tous les plans. Les doses de médicament ont été adaptées à sa fonction rénale. Les expectorations ne contiennent plus de pyocianique. Aux dire de tous, le patient se porte à merveille. Le Docteur Gendron se propose de bientôt arrêter le traitement.

Heureusement, le germe a bien répondu à l’amikacine. C’est le seul antibiotique encore actif sur cette souche. Cette saloperie circule dans l’hôpital de façon récurrente depuis plusieurs mois. Le premier cas avait été isolé sur une grabataire transférée d’un établissement namurois. Il serait grand temps que les ponces se concertent pour s’en débarrasser. Jusqu’à présent, l’ingénieur responsable de la maintenance s’est intéressé aux robinets. Il veut bien les démonter. Il ne fera rien contre l’avis du chef du département infirmier. La pharmacienne de l'hôpital propose qu’on remplace les pissettes d’éosine par des conditionnements "doses uniques ", mais c’est plus coûteux. Alors…

Par bonheur, le patient va bien. Tout le monde est content.

 

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