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Dix Paroles Pour une Vie paisible

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DEUXIEME PARTIE :

Les Dix Commandements à travers la Bible

6. Les relations de l'homme à la vie

Tu n'assassineras pas.

(Deutéronome 5.17)

Le respect de la vie

La Genèse expose l'attitude idéale de respect de la vie telle qu'elle est prévue par Dieu : Au commencement, humains et animaux étaient seulement autorisés à se nourrir de végétaux :

Dieu dit : Voici, je vous ai donné toute herbe qui porte semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte semence. Ce sera votre manger. Pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui remue sur la terre avec en lui souffle de vie, toute verdure d'herbe sera à manger.

(Genèse 1.29-30)

Mais très vite, le penchant au mal s'est manifesté chez l'homme à un point tel que "à longueur de journée, son cœur ne s'était porté qu'à concevoir le mal" (Genèse 6.5). Voyant que "toute chair avait perverti sa conduite" (Genèse 6.12), Dieu a décidé d'anéantir le mal par le déluge. Par contre, Noé a été sauvé parce qu'il était juste. Bien plus, après le déluge purificateur, Dieu lui a concédé la consommation de viande :

Tout ce qui remue et qui vit sera votre manger comme déjà l'herbe, je vous ai tout donné.

(Genèse 9.3)

Il a cependant émis une restriction :

Toutefois, vous ne mangerez pas la chair avec sa vie, son sang.

(Genèse 9.4)

Le sang est considéré comme le symbole de la vie. Comme elle, il appartient à Dieu et non à l'homme. Ce dernier ne peut en disposer :

Et de même, votre sang qui est votre vie, je le réclamerai de la main de tout animal et de la main de l'être humain, je le réclamerai. De la main de l'homme son frère, je réclamerai la vie de l'humain.

(Genèse 9.5)

Dieu demandera donc des comptes à tous. Tuer ne peut être un geste gratuit. Il lui faut une justification prévue par la Loi : l'homme peut tuer des animaux pour se nourrir ou un autre homme pour le châtier :

Qui a versé le sang de l'homme, par l'homme, son sang sera versé, car à l'image de Dieu a été fait l'homme.

(Genèse 9.6)

Par ces paroles, Dieu a instauré l'homme justicier et ce, juste après lui avoir imposé une restriction sur le sang en hommage à la vie.

Mais l'être humain s'est encore écarté des voies divines et le comportement des nations d'après le déluge n'a pas été celui escompté. Quand la mesure a été vraiment dépassée, le châtiment s'est abattu par la destruction des cités trop perverties. Parallèlement, Dieu a choisi un juste, Abraham. Il a commencé avec lui la grand aventure d'éducation à l'éthique qu'il continuera avec sa descendance pour qu'un jour, la terre entière le connaisse.

A la libération du Sinaï, les réglementations sur le respect de la vie furent à nouveau précisées. Elles concernaient alors le peuple élu, celui que Dieu allait affiner afin qu'ensuite, il puisse, par son comportement exemplaire, le faire connaître, lui, l'unique, à l'humanité entière.

Le sang d'une créature représentant sa vie, sa consommation fut donc formellement interdite :

Seulement soit fort pour ne pas manger le sang, car le sang c'est la vie et tu ne mangeras pas la vie avec la chair. Tu n'en mangeras pas. Tu le répandras sur la terre comme de l'eau.

(Deutéronome 12.23-24)

Les rites d'égorgement du bétail et les règles de consommation de la viande obligeaient l'homme à se souvenir constamment du respect qu'il doit à la vie, l'œuvre de Dieu. Ces règles le protégeaient contre les pulsions sanguinaires auxquelles se laissaient aller bien volontiers les idolâtres.

La guerre dans le projet de Dieu

La guerre est incontestablement une forme d'atteinte à la vie. Pourtant, dès la sortie d'Egypte, elle s'est révélée inévitable et même nécessaire. Pharaon et ses troupes devaient mourir car ils voulaient s'en prendre à la liberté d'Israël. Dieu s'est chargé de les éliminer en refermant sur eux les eaux de la mer Rouge. Puis, tandis que les israélites marchaient dans le désert, Amaleq est venu se battre contre eux. Il a dû payer, car Dieu ne permet pas qu'une nation menace impunément la sécurité de son peuple :

YHWH dit à Moïse : Mets cela par écrit en mémorial et mets-le dans les oreilles de Josué : Parce qu'il s'est opposé, j'effacerai le souvenir d'Amaleq de sous le ciel.

(Exode 17.14)

Ensuite, il a fallu conquérir le pays promis. Aucune entente avec ses habitants n'a été possible à cause de la mauvaise conduite de ces derniers :

 J'enverrai le frelon devant toi. Il chassera le Hivvite, le Cananéen et le Hittite de devant toi. Je ne les chasserai pas de devant toi en une seule année pour que la terre ne soit pas désolée et que les animaux des champs ne se multiplient pas à tes dépens. Peu à peu, je les chasserai de devant toi jusqu'à ce que tu fructifies et possède la terre. J'établirai ton territoire de la mer des Joncs à la mer des Philistins et du désert jusqu'au fleuve. Parce que je livrerai entre vos mains les habitants du pays, tu les chasseras de devant toi. Tu ne concluras pas d'alliance avec eux et leurs dieux, ils n'habiteront pas dans ton pays, de peur qu'ils ne te fassent pécher contre moi, car tu servirais leurs dieux, ce qui deviendrait un piège pour toi.

(Exode 23.28-33)

L'exil avait en effet établi de façon irréfutable le droit d'Israël à la terre promise, car, d'une part les nations par l'intermédiaire de l'Egypte avait opprimé et violenté le peuple à l'extrême et, d'autre part, les habitants du pays avaient atteint pendant ce temps un niveau de perversité inacceptable, ce qui impliquait un châtiment.

L'exil a eu lieu pour que la prise de possession de la terre soit un acte de justice :

Il dit pour Abram les connaissances : Tu sauras que ta descendance sera étrangère dans un pays non-leur. Ils les asserviront et les opprimeront quatre cents ans. Et aussi de la nation qui les opprimera, je serai juge. Ensuite, ils sortiront avec un grand acquis. Et toi, tu viendras vers tes pères en paix. Tu seras enseveli par une bonne vieillesse, Et la quatrième génération, ils reviendront ici, car jusqu'ici, la faute de l'Amorite n'est pas complète.

(Genèse 15.13-16)

Pendant que les habitants du pays s'enfonçaient dans le mal, le peuple élu se préparait, sous les coups et les humiliations infligées par les Egyptiens, à recevoir la Torah et à assumer la double libération physique et intellectuelle.

La révélation du Sinaï garantissait le droit à la terre promise et permettait donc la guerre pour la conquérir. Dieu ordonna même l'anéantissement des populations autochtones afin d'éviter qu'elles n'incitent les Israélites à dévier de la Loi. Il s'agissait d'une guerre vitale pour le peuple sans terre à un point tel que, pour avoir manqué de courage, il a été condamné à errer pendant quarante ans dans le désert. En effet, des espions avaient parcouru le pays et le peuple effrayé refusait d'y monter :

Les hommes qui étaient montés avec lui dirent : Nous ne pourrons attaquer ce peuple, car il est plus fort que nous...

(Nombres 13.31)

Vos fils seront bergers dans le désert pendant quarante ans. Ils porteront le poids de vos infidélités jusqu'à ce que vos cadavres soient étendus dans le désert. Votre exploration du pays a duré quarante jours, à raison d'une année pour un jour, vous porterez pendant quarante ans le poids de vos fautes et vous saurez ce que coûte ma réprobation.

(Nombres 14.33-34)

Pourtant, cette guerre était une conquête, celle d'une terre sur laquelle vivaient d'autres peuples, mais elle était justifiée par l'oppression subie en Egypte :

YHWH dit : J'ai vu la misère de mon peuple en Egypte et j'ai entendu ses cris en face de ses oppresseurs. Parce que j'ai su ses souffrances, je descendrai pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de ce pays vers un bon et grand pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel, vers le lieu du Cananéen, du Hittite, de l'Amorite, du Périzitte, du Hivvite et du Jébusite. Et maintenant voici le cri des fils d'Israël arrivé jusqu'à moi et j'ai même vu le poids dont l'Egypte les opprime. Va maintenant ! Je t'envoie vers Pharaon, fais sortir d'Egypte mon peuple, les fils d'Israël.

(Exode 3.7-10)

Mais l'action militaire représentait également un châtiment à l'encontre des nations perverties. Tel fut le cas de la guerre punitive contre Madiân. Ce peuple avait bien failli entraîner Israël dans une idolâtrie honteuse :

YHWH parla à Moïse pour dire : Venge les fils d'Israël des Madianites, après quoi tu rejoindras ta parenté. Moïse parla au peuple pour dire : Equipez parmi vous des hommes pour l'armée et ils seront contre Madiân pour donner la vengeance de YHWH à Madiân.

(Nombres 31.1-3)

Le droit à la guerre est donc reconnu par Dieu, à condition que le but du combat serve à la réalisation de son projet, l'instauration de l'éthique. Mais l'homme ne peut pas s'écarter des directives divines.

Ainsi, la ville de Jéricho devait être vouée à l'interdit tant la conduite de ses habitants avait courroucé Dieu. Tous les humains et tous les animaux auraient donc dû être tués et la plupart des biens détruits et brûlés. (C'était une coutume de l'époque.) Un guerrier ne respecta pas cet ordre. Il essaya de s'enrichir, s'écartant ainsi du but punitif de la guerre :

Les fils d'Israël ont abusé. Ils ont fraudé contre l'interdit : Akân, fils de Karmi, fils de Zabdi, fils de Zérah de la tribu de Juda a pris de l'interdit et la colère YHWH s'est enflammée contre les fils d'Israël.

(Josué 7.1)

La colère de Dieu atteignit tout le peuple. Tous sont donc tenus pour responsables de la faute d'un seul homme. Il s'agit de la fameuse responsabilité collective dont nous avons déjà parlé. Dans l'esprit de l'époque, la fureur de Dieu ne pouvait être calmée que par le châtiment infligé au responsable par le peuple entier (Josué 7.24-26)

Un autre exemple nous montre, une fois de plus que l'homme ne peut outrepasser le but de sa mission. C'était à propos de Babylonne : Cette dernière avait été l'instrument de Dieu pour punir Jérusalem l'apostate, mais Nabuchodonosor a usé de violence excessive :

J'étais irrité contre mon peuple, j'avais rejeté ma possession, je les avais livrés en ta main, mais tu ne leur as montré aucune pitié, sur le vieillard, tu as fait durement peser ton joug. Tu as dit : A jamais, je serai une éternelle dominatrice ! Tu n'as pas réfléchi à cela dans ton cœur, ni songé à la suite. Mais maintenant, écoute ceci, voluptueuse, assise en sécurité... Un malheur viendra contre toi, tu ne sauras pas le conjurer. Un désastre tombera sur toi, tu ne pourras t'en protéger et sur toi arrivera soudain un saccage dont tu n'as pas idée.

(Esaïe 47.6-11)

Ici, Esaïe faisait allusion à la conquête de Babylone par les Perses. Il en ressort que la guerre peut être punitive et qu'elle est justifiée s'il s'agit de rétablir le droit et la justice. Mais l'histoire telle que racontée dans la Bible va plus loin en enseignant qu'il n'est pas question de se dérober au combat si la sécurité de la nation ou d'une partie de celle-ci est menacée :

Nahash l'Ammonite monta contre Yavesh de Gallad et l'assiégea... L'esprit de YHWH fondit sur lui [Saül, le roi] et il entra dans une colère violente. Il prit une paire de Bœuf, les dépeça et il envoya les morceaux par messagers dans tout le territoire d'Israël en faisant dire : Celui qui ne sort pas a la guerre derrière Saül et Samuel, ainsi sera-t-il fait à ses bœufs. YHWH fit tomber une terreur sur le peuple et ils sortirent comme un seul homme.

(lSamuel11.1-7)

Par contre, un peuple ne peut déclarer une guerre, faire violence ni même tromper une autre nation sans motif :

Malheur ! Toi qui dévastes et n'as pas été dévasté ! Toi qui trahis et qu'on n'a pas trahi ! Quand tu auras cessé de dévaster, tu seras dévasté. Quand tu auras fini de trahir, on te trahira.

(Esaïe 33.1)

Car le but de Dieu n'est-il pas, en effet, d'instaurer la paix universelle ?

Il jugera les nations, il sera l'arbitre de peuples nombreux. Martelant leurs épées, ils en feront des socs et de leurs lances, ils feront des serpes. On ne brandira plus l'épée nation contre nation, on n'apprendra plus à faire la guerre.

(Esaïe 2.4)

Le penchant meurtrier de la nature humaine

Dès qu'il y eut deux rivaux, Caïn et Abel, la tendance meurtrière de l'homme s'est révélée dans toute son horreur par un assassinat fratricide gratuit (Gn 4.1-8). Le cultivateur Caïn n'a pu dominer sa jalousie face à la faveur témoignée par Dieu à son frère Abel, le pasteur. Cette légende du premier meurtre est très riche, tant dans son contenu sociologique que psychologique : Le sédentaire ne possède pas les vertus du nomade et, alors qu'ils sont supposés être complémentaires, ils ne cessent de s'affronter. D'autre part, la jalousie est "tapie" au fond de l'homme et le pousse à des actes insensés. Mais pourquoi est-ce le sédentaire le pécheur ? Tout d'abord, parce que l'histoire nous vient des nomades sémites, mais aussi parce que, confrontés chaque instant aux dangers du désert et du voyage, ces derniers apprennent la maîtrise de soi et s'astreignent à une éthique stricte qui leur tient lieu de remparts. Par contre, à l'abri dans leurs villes, les sédentaires ont tendance à paresser avec la morale, à se laisser aller plus facilement à leurs pulsions. Cette attitude est d'ailleurs favorisée par le contact avec la terre et la nature, les nourricières. Il s'agit d'une relation quasi biologique par laquelle la terre devient "mère", alors qu'au désert, la terre brûlée place l'homme à l'extérieur de la nature "maternante", la survie y dépendant surtout du comportement social. Le cordon ombilical de ADAM (l'homme) avec ADAMA (le sol) y est coupé, ce qui permet à l'homme de se réaliser en tant que créature "à l'image de Dieu", c'est à dire transcendante à la nature, au "sol" duquel il est issu.

Mais revenons à Caïn : Dieu l'a puni, mais sans le faire mourir. Par contre, Il lui a imposé une rupture totale avec ADAMA, la terre sa nourrice :

Tu es maintenant maudit plus que le sol qui a ouvert sa bouche pour prendre de ta main le sang de ton frère. Lorsque tu travailleras le sol, il ne te donnera plus sa force. Tu seras errant et vagabond sur la terre.

(Genèse 4.11-12)

Puisque lié à ADAMA, l'homme (ADAM) n'a pas su dominer ses pulsions sanguinaires, il est condamné à peiner pour tirer sa subsistance de sa nourrice et à "errer", c'est à dire à rompre avec elle sa relation ombilicale. ADAM, l'homme tiré du sol est ainsi forcé de se détacher de ADAMA, car lié à elle, il est incapable de respecter l'éthique.

Cependant, Caïn n'ignorait pas le penchant sanguinaire de la création. Expulsé de sa matrice, il craignait de se faire tuer. Il dit donc à Dieu : "je serai caché à ta face et quiconque me trouvera me tuera" (Gn.4.14). En effet, chassé du sol, il est non seulement condamné à "errer", mais surtout, il perd la protection du Dieu de son ADAMA. Il nous faut replacer ces paroles dans leur contexte : à l'époque pré-monothéiste, chaque endroit avait son dieu protecteur qui lui était propre. Même les hébreux ont mis du temps à apprendre l'universalité de Dieu. Ce n'est vraiment qu'après la chute de Jérusalem et la déportation que cette notion a été perçue dans son évidente réalité telle que l'exprime Ezéchiel dans sa vision du bord de l'Euphrate (Ez. 1.1-28). Quant à Caïn, chassé de la "face de Dieu", il se sent privé de la protection divine parce qu'il va se retrouver vagabond. Pour lui, être détaché de ADAMA, signifie également être privé du "lieu" et de son Dieu. Etre sans lieu, c'est être sans Dieu. Or Dieu est le tenant de l'éthique. Le "non lieu" dans lequel va se retrouver Caïn sera donc dépourvu de cette dernière. Voilà pourquoi il dit : "quiconque me trouvera me tuera".

Mais Dieu ne voulait pas que l'on porte atteinte à la vie, même à celle du meurtrier. Par conséquent, il protégea le déchu "pour que personne ne le frappe" (Gn.4.15) et il instaura le principe d'une vengeance terrible en guise de justice dont l'effet devait être dissuasif : "si l'on tue Caïn, il sera vengé sept fois" (Gn. 4.15). De plus, il mit un 'signe" sur le meurtrier pour le protéger. Cette marque est à la fois le symbole de l'interdiction de meurtre et un rappel de la menace de châtiment. Mais les humains auront vite fait d'accaparer ce principe au service de leurs penchants humains :

Lamek dit à ses femmes : ... j'ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure, car Caïn sera vengé sept fois et Lamek septante sept !

(Genèse 4.23-24)

Et l'homme continuera à développer son aptitude au mal jusqu'à un point intolérable :

Dieu regarda la terre et voici qu'elle s'était pervertie, car toute chair avait perverti sa conduite sur la terre. Dieu dit à Noé : La fin de toute chair est arrivée devant moi, car la terre est remplie de violence à cause d'eux et me voici : Je suis leur destructeur, la terre !

(Genèse 6.12-13)

Le déluge est décidé ! Son but est de supprimer la violence, au péril même de la création. Mais heureusement, parce qu'il y a un juste, l'œuvre de Dieu sera sauvée et l'aventure éducative va pouvoir reprendre sur des bases épurées.

De la vengeance au châtiment

Après la calamité purificatrice, Dieu conclut une alliance avec l'humanité :

Je n'ajouterai pas à maudire encore le sol à cause de l'homme, parce que le penchant du cœur de l'homme est mauvais depuis sa jeunesse et je n'ajouterai pas encore à frapper tout ce qui vit. Encore chaque jour de la terre, semailles et moisson et froid et chaleur et été et hiver et jour et nuit ne cesseront pas.

(Genèse 8.21-22)

Certes, Dieu connaît le mauvais penchant de l'homme, mais il lui marque une fois de plus sa confiance. Cette fois, tous les commandements qu'il lui impose concernent la vie : obligation de se reproduire jusqu'à remplir la terre, interdiction de consommer la chair d'animaux encore en vie, ainsi que le sang, symbole de cette dernière ; interdiction de se suicider ou de commettre un meurtre et, enfin, obligation de châtier un meurtrier en lui enlevant la vie (Genèse 9.1-7 Cf. page 6).

En fait, la notion de vengeance instituée avec Caïn est remplacée par celle de châtiment et parce que l'homme a été créé à l'image de Dieu, ce dernier l'instaure justicier. Petit à petit, les règles de la justice vont se préciser et la Torah deviendra un code criminel très précis. D'abord, la loi du talion limitera la vengeance sauvage et non contrôlée d'avant le déluge, puis des notions plus élaborées vont voir le jour, comme par exemple, celles de préméditation et d'homicide involontaire. Quand la pleine responsabilité de l'auteur du crime n'est pas établie, la Loi le protège contre la nature vengeresse de l'homme :

Alors Moïse mit à part trois villes au-delà du Jourdain, au soleil levant, comme lieu de refuge pour l'homicide qui a tué involontairement son prochain, un homme qu'il ne haïssait pas auparavant. Il s'enfuira dans une de ces villes et vivra.

(Deutéronome 4.41-42)

La responsabilité en cas d'accident est également définie avec précision. Qu'il s'agisse d'un bœuf agressif ou d'une citerne non couverte, le propriétaire négligent devra indemniser la victime (Exode 21. 28-35, Cf. page 11). Car, en effet, la loi du Talion n'est pas un code vengeance :

Tu payeras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent... meurtrissure pour meurtrissure... Quand un homme frappera l'œil de son serviteur ou de sa servante en l'abîmant, il accordera la liberté à la victime en compensation de son œil..."

(Exode 21.23-26)

Tu "payeras" dit le texte, le châtiment est ainsi aussi une indemnisation. Il conserve bien sûr son caractère dissuasif, cependant il n'est plus seulement punition : il rend également justice à la victime, mais dans un esprit d'équité et non plus de vengeance.

L'évolution de la justice

Nous l'avons vu, la Torah est aussi un code civil précis. Avons-nous le droit de le modifier ? De ne pas l'appliquer à la lettre ?

Nous savons que son but vise à permettre la réalisation du projet de Dieu en amenant la création à maturité. L'homme est impliqué dans ce projet par le Sabbat, parce que Dieu "cessa" : YHWH s'arrêta en effet de créer et ordonna à l'humain d'organiser et de soumettre. La révélation du Sinaï n'est donc pas un aboutissement, au contraire, elle constitue plutôt un nouveau départ sur des bases éclairées par la libération des chaînes originelles. A partir de là, l'évolution du comportement humain vers l'idéal divin sera possible grâce à Pâque, le "passage" des ténèbres de l'ignorance asservissante vers la lumière du devenir et ce parce que Dieu sera, parce qu'il est ESPERANCE. La Loi est le moyen d'accéder à ce devenir qui ne va cesser de se définir par l'histoire et par l'évolution de l'humanité.

L'histoire représente le passé, non pas en tant que faits révolus, mais au contraire, en tant qu'événements qui ont forgé le présent et qui, indubitablement influenceront le futur. C'est pourquoi elle occupe une place aussi importante dans la Bible. L'homme doit, en effet, savoir ce qu'il a été pour mieux être et surtout pour mieux devenir.

Car, questionne donc les générations d'antan, sois attentif à l'expérience de leurs ancêtres, car nous sommes d'hier et nous ne savons pas ; car nos jours sont une ombre sur la terre.

(Job 8.8-9)

Or, nous constatons que d'hier à aujourd'hui, la justice a évolué : Les valeurs morales sont immuables, mais le tarif des châtiments n'a cessé de changer tant au niveau de l'histoire que dans les écrits eux-mêmes.

La pensée humaine est en effet mouvante, mais est-ce là de l'inconstance ou Dieu continue-t-il d'inspirer l'humanité ?

Alors, le mystère fut révélé à Daniel dans une vision, la nuit. Alors, Daniel bénit Dieu. Daniel prit la parole et dit : Le nom de Dieu est béni, depuis toujours et à jamais, car la sagesse et la puissance lui appartiennent. Il change les temps et les époques, il renverse les rois et élève les rois ; il donne la sagesse aux sages et la connaissance à qui connaît le discernement. Lui, il découvre les profondeurs et les secrets, il connaît ce qu'il y a dans les ténèbres et avec lui demeure la lumière. A toi, Dieu de mes pères, je te célèbre et je t'exalte. Tu m'as donné la sagesse et la force et maintenant, tu m'as fait connaître ce que nous t'avions demandé...

(Daniel 2.19-23)

Non, Dieu n'a pas fixé une fois pour tous les détails de sa Loi. Non, Dieu n'a pas cessé de se faire entendre après l'époque prophétique. Au contraire, il continue de pousser l'humanité vers le haut. Mais comme l'homme ne reste pas toujours à son écoute, il secoue quelque fois sa rebelle création par des séismes de toutes sortes afin de l'obliger à se remettre en question et bien que très souvent les sourds restent sourds, il ne cesse de pousser le monde vers son devenir. Fidèles ou rebelles, les sociétés évoluent donc inexorablement et avec elles les types de châtiment à imposer au criminel. Bien sûr, en chemin, l'homme s'écarte souvent de la route de la justice. Mais est-ce une raison pour prôner l'immobilisme ou pis encore, le retour en arrière ?

Toute action punitive doit avoir pour but d'enlever le mal du sein de la communauté de façon à tendre vers l'objectif de droiture tel qu'il est défini par la Torah. La justice moderne est donc compatible avec la Loi puisqu'elle essaye, par la psychologie et les politiques de réinsertion de ramener les coupables vers une conduite exempte de crime. Certes, ce nouveau système connaît ses échecs, mais la Bible elle-même ne nous enseigne-t-elle pas l'omniprésence du mal dans l'histoire de l'humanité ? Toutes les méthodes mises en place pour enrayer la violence n'ont jamais, en effet, connu un succès total.

L'alternative à Caïn

Bien que juste, Abel ne sera pas l'avenir pacifique de l'humanité puisqu'il est mort. Se laisser tuer n'est donc pas une solution contre la violence. Mais parce que Dieu est ESPERANCE, Seth naîtra et de lui sortira Noé, le juste par lequel l'humanité sera sauvée et recevra les premiers commandements de la Loi, ceux qui précisément protègent la vie.

Or, le respect de la Loi deviendra une responsabilité collective en ce sens qu'il sera la condition pour mériter la terre promise. Toute société aspirant à l'espoir dont Dieu est porteur ne peut donc fermer les yeux face au mal. Par contre, l'application d'un châtiment ne doit pas devenir un moyen de libérer les pulsions violentes de celui qui se dit ou se croit juste :

Tu ne haïras pas ton frère en ton cœur. Réprimande, réprimande ton compatriote et ne te charge pas d'un sien péché. Ne te venge pas et ne sois pas rancunier contre les fils de ton peuple et aime ton prochain comme toi-même. Je suis YHWH.

(Lévitique 19.17-18)

L'amour du prochain est donc l'alternative à la violence. La bonne conduite protège contre le péché (Genèse 4.6-7). La bonté et la générosité sont les garantes de l'éthique :

Ne refuse pas le bien à qui en a besoin quand tu peux le faire. Ne dis pas à ton compagnon : "Va, retourne, je donnerai demain" quand tu as ce qu'il faut. Ne manigance pas le mal contre ton compagnon alors qu'il est assis en sécurité près de toi. Ne te querelle pas sans motif avec un homme qui ne t'a rien fait de mal. Ne jalouse pas le violent et n'adopte aucun de ses chemins, car le pervers est l'abomination de YHWH et les hommes bons sont son intimité.

(Proverbes 3.27-32)

Le meilleur moyen d'échapper à la tentation de tuer n'est-il pas de suivre les voies de la bonne éducation, celle qui transmet la culture ancestrale empreinte de la Loi, celle qui est porteuse de l'éthique :

Mon fils, si des fauteurs te séduisent, n'accepte pas... Mon fils, ne chemine pas avec eux, interdit leur chemin à ton pied, car leurs pieds courent vers le mal. Ils se hâtent pour verser le sang... Eux, c'est leur propre sang qu'ils traquent, ils capturent leur être...

(Proverbes 1.10-18)

Les sages connaissent l'homme par leur expérience et parce qu'ils ont étudié l'histoire. Ils savent les dangers du non-respect de la morale et plus particulièrement des atteintes à la vie. C'est en cela qu'ils sont de bons éducateurs. Leur enseignement n'est pas du vent !

De même, la Torah, non seulement exhorte, mais elle raconte aussi l'expérience humaine. Elle est plus qu'un livre de lois ou un code. Elle procure en effet également la sagesse, car celui qui l'étudie y découvre aussi les leçons de l'histoire.

Les obligations de l'homme vis-à-vis de la vie

"Tu ne commettras pas d'assassinat", l'ordre est clair et indiscutable : il n'est pas question de verser le sang innocent. Il s'agit d'un commandement négatif qui, à première vue n'implique pas d'obligation. Pourtant, en examinant les textes relatant l'aventure humaine à travers la Bible, nous constatons que l'homme a d'énormes responsabilités vis-à-vis de l'œuvre divine dont la vie est le couronnement. Dieu l'a, en effet, instauré gardien de la création, il doit donc protéger la vie et non la menacer. Il doit "dominer" la terre et "soumettre" ses créatures. Pour ce faire, il devra maîtriser par la connaissance et non détruire, que ce soit par erreur, par négligence ou volontairement.

De nos jours, au-delà du meurtre classique, les autres formes d'atteinte à la vie ne manquent pas. Ainsi, les guerres n'ont pas cessé depuis les temps bibliques et les moyens de destruction ont gagné en puissance jusqu'à menacer l'existence même de la planète. La fin de la guerre froide sera peut-être un jour considérée comme le début d'une ère pacifique, mais voilà encore que des tyrans et des fanatiques se moquent de l'idéal humain qu'est l'aspiration à une paix universelle, légitime et juste. Pourtant, quand la justice est bafouée, les nations doivent la rétablir. N'est-ce pas d'ailleurs le meilleur moyen de dissuader les agresseurs ?

Rangez-vous contre Babylonne, encerclez-la, tous les bandeurs d'arc. Tirez sur elle, ne ménagez pas les flèches, car elle a fauté contre YHWH. Poussez un hourra tout autour d'elle. Elle tend la main, ses piliers se sont écroulés, ses murailles sont renversées, car c'est la vengeance de YHWH. Vengez-vous d'elle, faites-lui comme elle fit.

(Jérémie 50.14-15)

D'autre part, l'homme en tant que gardien de la création doit protéger la vie. Il ne peut donc l'exposer à aucun risque tel que, par exemple, un accident de pollution, que ce soit par négligence ou par appât du gain. Ce genre d'attitude serait comparable à celle d'un propriétaire négligent (Exode 21.28-35). Une pollution peut être mortelle de façon immédiate et évidente, mais ses effets peuvent également être insidieux et détruire la vie à petit feu.

Les formes d'atteinte à la vie sont vraiment multiples. Nous pourrions citer les conditions de travail dangereuses, les famines et épidémies, toutes choses qui pourraient être enrayées avec de la bonne volonté ou encore les manipulations génétiques, la contraception et la stérilisation, l'avortement. Toutes ces notions neuves, sans être nécessairement répréhensibles, méritent d'être sévèrement contrôlées par l'éthique sans pour autant que les législateurs sombrent dans une attitude fermée au progrès. Il en va de même pour l'euthanasie et l'acharnement thérapeutique. Quelle est l'attitude respectueuse de la vie et des vivants ?

"Dieu créa l'homme à son image", c'est à dire qu'il lui octroya des pouvoirs de gestion sur la création. L'évolution des connaissances scientifiques sert ce rôle. Bien sûr, l'humain ne peut dominer que jusqu'à une certaine limite : celle du sang, c'est à dire de la vie. Cette dernière ne lui appartient pas, ni à lui, ni à aucun être vivant. Mais où commence et où finit la vie ? Les obligations de l'homme à son égard sont énormes et cette étude ne saurait être exhaustive. Il nous faut surtout retenir l'importance du commandement déjà imposé à Noé et qui concerne, non seulement les croyants, mais aussi l'humanité dans son entièreté. En fait, il représente l'aspiration la plus profonde de l'homme : vivre en paix et en sécurité. Certains diront qu'il s'agit d'une utopie. Pourquoi ne serait ce pas la promesse de celui qui Sera, l'Espérance du monde ? L'homme aurait-il inventé l'espoir afin de pouvoir mieux supporter sa condition ? Ou Dieu lui en a-t-il fait cadeau pour le consoler d'être intelligent ?

En tout cas, "l'espoir fait vivre", dit la sagesse populaire. Un jour, peut-être, Caïn ne portera plus la main sur son frère !

Le pacifisme chrétien

Pour Jésus, le meurtre est impensable, bien sûr, mais le Christ ordonne plus encore :

Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre. Celui qui commet un meurtre en répondra au tribunal. Or moi, je vous dis : Celui qui se mettra en colère contre son frère en répondra au tribunal. Celui qui dira à son frère "imbécile" sera justiciable du sanhédrin. Celui qui lui dira "fou" sera passible de la géhenne de feu.

(Mathieu 5.22)

Le Christ prône également la conciliation entre les ennemis et la préfère même au culte :

Aussi, si tu offres ton présent à l'autel, et si tu te souviens que ton frère a quoi que ce soit contre toi, laisse-là ton présent devant l'autel et va d'abord te réconcilier avec ton frère. Alors, viens présenter ton offrande. Hâte-toi de te mettre d'accord avec ton adversaire tant que tu es en route avec lui, de peur que lui, l'adversaire, ne te livre au juge, le juge au gendarme et que tu ne sois jeté en prison.

(Mathieu 5.23-25)

Il demande aux hommes d'oublier toute idée de vengeance et même d'indemnisation, de pas affronter le transgresseur :

Vous avez entendu qu'il a été dit "œil pour œil, dent pour dent". Or moi, je vous dis de ne pas tenir tête au méchant. Au contraire, si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. A qui veut t'intenter un procès pour te prendre ta tunique, donne aussi ton manteau. Te requiert-il pour une course d'un mille ? Fais en deux avec lui. A qui te demande, donne. Ne tourne pas le dos à qui veut t'emprunter.

(Mathieu 5.38-42)

C'est en effet par l'amour, la bonté que le Christ compte enrayer la violence :

Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Or moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent afin de devenir fils de votre Père des cieux, car il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Car, si vous aimez vos amis, quel salaire aurez-vous ? Les collecteurs d'impôt n'en font-ils pas autant ? Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Même les païens n'en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfait comme votre père céleste est parfait.

(Mathieu 5.43-48)

Pour être "à l'image de Dieu", le chrétien doit donc aimer tous les hommes, et ce, malgré les offenses et les tords éventuellement subis. Il doit être aimable et courtois envers tous. Au nom de cet amour indispensable pour atteindre la perfection, il doit même renoncer à ses droits afin d'éviter toute forme de conflit. La guerre est donc anti-chrétienne. Elle témoigne de l'incapacité de l'homme à accéder au "royaume de Dieu", c'est à dire d'être vraiment à l'image du Créateur, comme le souhaite ce dernier. Il en est de même pour toute forme d'atteinte non seulement à la vie, mais aussi au respect des autres.


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